Éthiopie : « Je veux être prêtre ! »

Par Eva-Maria Kolmann, AED International

Adaptation par Amanda Bridget Griffin, AED Canada

© AED/ACN

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Le Père Hagos Hayish, Secrétaire général de la Conférence épiscopale catholique éthiopienne, raconte comment il a trouvé sa vocation et comment il l’a suivie en des temps difficiles.

C’est tout excité que le jeune Hagos, cinq ans, accourut vers sa mère pour lui dire : « Maman, Maman, la Mère de Dieu est sur la rivière ! Les prêtres ont chanté pour elle ! Ils ont de si jolis vêtements colorés ! Moi aussi, je veux être comme eux ! » La mère se mit à rire : « Mais Hagos, ce n’est pas la Mère de Dieu ! Les orthodoxes célèbrent aujourd’hui la fête de Timqet. Ils célèbrent le baptême de Jésus dans la rivière ! » À partir de ce jour-là, pour Hagos Hayish, c’était clair : « Je veux être prêtre ! »

Dans sa famille, la foi joue depuis toujours un rôle important. « Cela fait longtemps que toute ma famille est catholique. Mes parents et grands-parents m’ont souvent raconté les récits passionnants des missionnaires. Le soir, quand la nuit tombait, mon père nous appelait tous, ses onze enfants. Nous nous rassemblions autour de lui pour écouter. Il nous jouait tout d’abord quelque chose à la flûte, puis il nous racontait des histoires sur des gens, des animaux, sur Dieu, et même sur des prêtres. Et enfin, il nous enseignait le catéchisme par un jeu de questions et de réponses. Il nous préparait ainsi à la première Communion. Si je m’étais disputé avec un ami et que je le racontais à mes parents, mon père insistait pour que je règle le conflit et que j’y mette un terme. »

Le dimanche, Hagos va à l’église avec ses parents. Le chemin est trop long pour aller aussi en semaine à la messe. Il y a jusqu’à l’église paroissiale plus de onze kilomètres à l’aller comme au retour, soit au total plus de 22 kilomètres de marche. Mais Hagos aime aller à l’église. « Je ne comprenais pas tout, mais j’aimais surtout les images. L’icône de Saint-Georges me plaisait tout particulièrement », se souvient-il aujourd’hui.

Le garçon commence l’école à six ans. Il peut sauter une classe, il apprend si bien ! Mais après avoir terminé l’école primaire, son père dit : « Maintenant, tu as assez étudié. Tu peux désormais lire et écrire comme moi. C’est suffisant ! J’ai besoin de quelqu’un pour garder les chèvres. » Hagos pleure encore et encore. Enfin, il veut devenir prêtre ! Il demande à son oncle de servir d’intermédiaire entre lui et son père. Même le curé de la paroisse intervient. Il peut envoyer deux garçons du village au petit séminaire où les jeunes sont préparés pour leur admission au séminaire, « Le » séminaire. Trois garçons du village ont posé leur candidature. « Que faire, si je n’obtiens pas la place ? », s’interroge Hagos, qui a maintenant presque treize ans, les larmes aux yeux. Finalement, il gagne le gros lot. Hagos est parmi les deux veinards qui ont la chance d’aller au petit séminaire. Au début, il a le mal du pays, mais il se réjouit de pouvoir suivre sa vocation.

Les temps sont difficiles : il y a la guerre civile en Éthiopie. Le régime communiste du dictateur Mengistu Hailé Mariam force les élèves et les étudiants à faire leur service militaire. Les séminaristes sont eux aussi menacés par ce destin. Pendant les vacances, il leur est difficile de rentrer à la maison, parce qu’il faut des autorisations spéciales pour se rendre d’un endroit à un autre.

En 1985, Hagos Hayish rentre au séminaire après avoir obtenu son baccalauréat. C’est l’époque de la famine dévastatrice dont les images terrifiantes circulent dans le monde entier. La conscription menace encore une fois le séminariste – cette fois-ci, à cause de la guerre contre l’Érythrée. Les jeunes hommes doivent se cacher.

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Lorsque Mère Teresa visite l’Éthiopie pour se faire une idée de la famine, elle rend également visite aux futurs prêtres. Hagos est le plus jeune d’entre eux, de même que le plus petit par la taille. C’est pourquoi il est au premier rang pour saluer la célèbre « ange des pauvres ». « Veux-tu devenir prêtre ? », lui demande Mère Teresa. Sa réponse est « oui ! ». « Veux-tu devenir un bon prêtre ? Si oui, alors continue ! Sinon, alors quitte le séminaire aujourd’hui même ! » Mais pour Hagos, c’est clair : « Je veux être un bon prêtre. »

Les temps deviennent de plus en plus difficiles. « J’ai vu beaucoup de gens mourir », se souvient-il. A cette époque, le gouvernement décida de déplacer de force des centaines de milliers de personnes. Beaucoup périrent. Le père de Hagos devait être déplacé, mais il a été sauvé à la dernière minute.

Au cours de la deuxième année que Hagos passe au séminaire, il est convoqué à une visite médicale. Maintenant, le service militaire le menace vraiment. Après la visite médicale, il doit aller chercher son certificat de santé. Mais l’homme chargé de lui remettre le document ne trouve pas son nom sur la liste. Quelqu’un avait écrit « Hagosa » au lieu de « Hagos ». Il s’agit de la forme féminine de son prénom. « Les femmes ne vont pas à l’armée. Sacré veinard, tu n’es pas sur la liste ! Va-t’en d’ici ! » lui dit l’homme. Encore aujourd’hui, Hagos Hayish déclare avec émerveillement : « Dieu a guidé la main d’un homme pour qu’il se trompe en écrivant mon nom ». En le voyant revenir au séminaire, le recteur le serre dans ses bras.

Il rejoignit l’ordre des Vincentiens et fut ordonné prêtre le 11 novembre 1990. Mais en 1998, la guerre éclata entre l’Éthiopie et son voisin l’Érythrée, qui avait déclaré son indépendance de l’Éthiopie en 1993. En fait, Abba (ce qui veut dire « Père ») Hagos devait écrire sa thèse, mais pour lui, la décision était claire : en 1999, il se déclara volontaire pour travailler dans le nord du pays, car c’est là que les gens souffraient le plus de la guerre. Même sa famille avait été déplacée. Son père avait été enlevé par le gouvernement érythréen. Il n’y avait pas la moindre trace de lui. Dans ces circonstances, Abba Hagos n’avait pas envie de retourner à l’Université. Il reprit la paroisse de Nkala. Il passait une semaine en paroisse et l’autre dans les montagnes, où beaucoup de réfugiés et de personnes déplacées avaient trouvé refuge. « Il y avait des coups de feu tous les jours, la mort était constamment présente. J’entendais tout le temps les gens en confession, parce qu’ils ne savaient pas s’ils vivraient ou non encore un jour de plus. Tout le monde se préparait à mourir. »

Un jour, l’archevêque d’Addis Abeba lui-même est venu réconforter les réfugiés. Il a promis au peuple : « Vous rentrerez dans vos paroisses ! » Abba Hagos s’en souvient exactement : « Les gens étaient heureux, mais certains demandaient : Où est la Vierge ? Nous n’entendons plus la cloche de l’église Sainte Marie. Que se passe-t-il ? et les enfants chantaient : où est la Sainte Vierge, où est la Sainte Vierge ? Mgr. Berhaneyesus Demerew Souraphiel leur répondit : Notre Dame est ici avec vous ! »

Un mois après la visite de l’archevêque, les réfugiés ont pu rentrer dans leurs villages détruits. « Tout était cassé, les maisons détruites, les arbres coupés, il y avait des mines partout. 70 000 personnes étaient mortes », raconte Abba Hagos. Cependant, sa famille avait à nouveau été protégée, vu que son frère était revenu sain et sauf de la guerre et que son père avait été libéré après deux ans de prison.

Aujourd’hui, le Père Hagos peut faire le bilan de près d’un quart de siècle de ministère sacerdotal. « La vocation est un don de Dieu, mais je l’ai reçue par le biais de ma famille » dit-il tout ému.

L’Église catholique compte environ 700 000 fidèles en Éthiopie. Les catholiques représentent à peine un pourcent de la population. Malgré ce faible nombre, l’Église est très active. C’est ainsi qu’elle gère 203 écoles maternelles et 222 écoles qui sont ouvertes aux enfants et adolescents de toutes les confessions et religions. Elles sont fréquentées par presque 180 000 enfants. Au moyen de ces écoles, l’Église voudrait établir un pont entre les peuples et les cultures. Quatre universités rassemblant plus de 7.000 étudiants sont également entre les mains de l’Église catholique. L’année dernière, l’Œuvre internationale catholique de bienfaisance « Aide à l’Église en Détresse » a soutenu l’Église catholique en Éthiopie à hauteur de plus de $1.71 CAN.

 

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À propos de amandacomacn

Communications Assistant and Community Manager - Aid to the Church in Need (Canada)

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