Reinhard Backes, AED International
Adaptation Robert Lalonde, AED Canada
Montréal, le jeudi 10 juillet, 2014 – Au Soudan, la situation juridique des chrétiens est inquiétante, comme le faisait remarquer Mgr Eduardo Hiiboro Kussala, évêque du diocèse sud-soudanais de Tambura-Yambio, à l’occasion d’une visite auprès de l’œuvre internationale de bienfaisance catholique Aide à l’Église en Détresse (AED). « Au Soudan, les évêques et les prêtres vivent de fait comme des personnes illégales depuis l’indépendance du Sud-Soudan », a déploré Mgr Kussala.
La Constitution du Soudan garantirait certes les mêmes droits à tous les citoyens, indépendamment de leur appartenance religieuse, mais la réalité serait toute autre : « Lorsque nous confrontons les responsables avec cet état de fait, ils soulignent que les chrétiens bénéficient des même droits que tous leurs compatriotes, mais rien ne change sur le plan juridique. Les évêques et les prêtres n’obtiennent pas de passeports et n’ont aucun statut légal. Certes, ils peuvent quitter le pays, mais il peut leur être refusé d’y retourner. Des prêtres ont déjà été expulsés et les évêques sont condamnés à se taire », affirme Mgr Kussala.
Accusée d’apostasie
L’évêque de Tambura-Yambio de poursuivre : « Les chrétiens du Soudan peuvent bien prendre part à des offices religieux sans être inquiétés, mais il n’existe pas de véritable liberté de religion et de conscience dans le pays. Le cas honteux de Mariam Yahia Ibrahim Ishaq qui, contrairement à de nombreux autres cas, est devenu public, le montre clairement. » Cette jeune Soudanaise de 27 ans, fille d’un musulman et d’une chrétienne orthodoxe, avait été arrêtée en mai 2014 et condamnée à mort pour « apostasie ». À ce sujet, Mgr Kussala ajoute : « Dans son entourage, on la connaissait depuis longtemps comme étant chrétienne. Pour des motifs quelconques, elle a d’abord été victime de chantage puis accusée d’apostasie. Le gouvernement ne s’est pas exprimé sur ce cas et a tout simplement laissé main libre aux oulémas. »
L’accusation d’apostasie avait été prononcée parce que le père de Mariam Ishaq était musulman. Après qu’il eut abandonné sa famille, la mère de la jeune femme avait élevé leur fille dans la religion chrétienne. Ce n’est qu’à la suite des pressions internationales que Mariam Ishaq a enfin été libérée en juin. Auparavant, la jeune mère de famille avait été obligée de donner naissance à son deuxième enfant en prison.
Selon les dires de Mgr Kussala, la discrimination des chrétiens au Soudan ne découle pas d’une évolution récente, mais sous sa forme actuelle, c’est une réaction à la division du pays, qui a eu lieu il y a trois ans : « L’Église ayant toujours appelé les responsables politiques à respecter la dignité humaine, leur liberté et aussi leur choix pour ce qui concerne la question de l’indépendance du Sud-Soudan, elle est maintenant rendue responsable de la séparation du Sud-Soudan. Mais l’Église n’a pas d’objectifs politiques. Nous ne faisons qu’inviter la politique à respecter la liberté de croyance et de religion ».
Grâce à sa conférence épiscopale commune, l’Église des deux pays reste unie malgré la nouvelle frontière. L’un de ses principaux soucis réside dans le dialogue interreligieux. Mgr Kussala estime que le Soudan compte plus de trois millions de chrétiens.