DES NOUVELLES DU NORD DE L’IRAK:

RAK : un décret de l’état islamique provoque l’exil des derniers chrétiens de Mossoul
Le 18 juillet 2014

Hier, les dirigeants de l’Etat islamique ont publié un décret alarmant destiné aux chrétiens de Mossoul, provoquant la panique et la fuite de ces derniers. Voici le contenu du décret et les nouvelles récentes de la situation sur place.
Mardi 15 juillet : l’État islamique a décrété que les maisons des chrétiens appartiennent désormais à l’État Islamique de l’Irak. Les maisons des chrétiens ont été marquées à l’extérieur par une signalisation : «propriété de l’État islamique».
Jeudi 17 juillet : le dirigeant de l’État islamique a convoqué les dirigeants de la communauté chrétienne à Mossoul, dans le but de définir le statut des chrétiens dans l’État islamique.

Aucun dirigeant de la communauté chrétienne n’était présent à cette convocation. Finalement un décret a été donné de la part de l’État islamique.

DécretVoici le décret :

Nous avons informé les dirigeants des chrétiens de venir découvrir leur statut sous le régime de l’état du califat dans la province de Ninive. Ils ne se sont pas présentés au rendez-vous fixé. Nous avions prévu les trois choix suivants:
1- devenir musulman
2- accepter le statut des dimmi
3- en cas de refus du premier et le deuxième choix, ils seront exterminés par l’épée.
Le prince des croyants, le calife Ibrahim, a généreusement laissé aux chrétiens la possibilité de s’exiler par eux-mêmes à l’extérieur des frontières de l’État islamique. Cela doit être fait avant le dernier délai qui est prévu pour le samedi 19 juillet à midi. Après ce délai, il n’y aura que l’épée.

Ce décret a été diffusé à Mossoul et donné à toutes les familles chrétiennes qui étaient restées à Mossoul (soit environ 65 familles).

Depuis hier après-midi, jeudi, les familles chrétiennes ont commencé à quitter la ville de Mossoul. Elles ont pris avec elles tout ce qu’elles pouvaient emporter : des choses de valeurs comme l’argent, les bijoux, des documents, …etc.

Mais en quittant la ville, et au point de contrôle, elles ont été dépouillées complètement de tout ceChrétiens Irak qu’elles avaient! La plupart de ces familles se sont retrouvées de nouveaux réfugiées à Qaraqosh. D’autres familles se sont dirigées vers Érbil, la capitale du Kurdistan. Actuellement, plus aucune famille, aucun chrétien ne se trouve à Mossoul. Tout a été abandonné.

Par ailleurs, l’État islamique a coupé l’eau potable des villes chrétiennes de Telkeif, Tellesqif, Batnaya. La peur et la panique habitent le cœur des habitants de ces trois villes. Déjà la ville de Qaraqosh (ville chrétienne de 45.000 habitants) a été sanctionnée de la sorte par l’Etat Islamique, il y un mois. Les habitants ont trouvé une solution provisoire en creusant des puits d’eau potable. Le premier puits a été fini et mis en fonction ce samedi 12 juillet. On espère encore pouvoir creuser trois autres puits d’eau potable et les mettre en fonction.

Lundi 14 juillet, les cinq personnes kidnappées à Mossoul ont été libérées. Deux religieuses chaldéennes et trois jeunes orphelins qui sont restés 45 jours dans les mains des ravisseurs, ont été libérés, et comme dit le Patriarche Chaldéen : « aucune rançon n’a été versée pour leur libération ».

De manière générale, la situation des chrétiens irakiens reste très fragile en cette période où l’État islamique désire absolument appliquer sa feuille de route pour aller conquérir Bagdad et avoir le pouvoir sur la capitale irakienne.

P. Anis Hanna*, op,
le 18.07.2014
* Le P. Anis Hanna, dominicain irakien, vit actuellement à Lyon et reste en contact permanent avec l’Irak.
Source: AED France

Éthiopie : « Je veux être prêtre ! »

Par Eva-Maria Kolmann, AED International

Adaptation par Amanda Bridget Griffin, AED Canada

© AED/ACN

© AED/ACN

Le Père Hagos Hayish, Secrétaire général de la Conférence épiscopale catholique éthiopienne, raconte comment il a trouvé sa vocation et comment il l’a suivie en des temps difficiles.

C’est tout excité que le jeune Hagos, cinq ans, accourut vers sa mère pour lui dire : « Maman, Maman, la Mère de Dieu est sur la rivière ! Les prêtres ont chanté pour elle ! Ils ont de si jolis vêtements colorés ! Moi aussi, je veux être comme eux ! » La mère se mit à rire : « Mais Hagos, ce n’est pas la Mère de Dieu ! Les orthodoxes célèbrent aujourd’hui la fête de Timqet. Ils célèbrent le baptême de Jésus dans la rivière ! » À partir de ce jour-là, pour Hagos Hayish, c’était clair : « Je veux être prêtre ! »

Dans sa famille, la foi joue depuis toujours un rôle important. « Cela fait longtemps que toute ma famille est catholique. Mes parents et grands-parents m’ont souvent raconté les récits passionnants des missionnaires. Le soir, quand la nuit tombait, mon père nous appelait tous, ses onze enfants. Nous nous rassemblions autour de lui pour écouter. Il nous jouait tout d’abord quelque chose à la flûte, puis il nous racontait des histoires sur des gens, des animaux, sur Dieu, et même sur des prêtres. Et enfin, il nous enseignait le catéchisme par un jeu de questions et de réponses. Il nous préparait ainsi à la première Communion. Si je m’étais disputé avec un ami et que je le racontais à mes parents, mon père insistait pour que je règle le conflit et que j’y mette un terme. »

Le dimanche, Hagos va à l’église avec ses parents. Le chemin est trop long pour aller aussi en semaine à la messe. Il y a jusqu’à l’église paroissiale plus de onze kilomètres à l’aller comme au retour, soit au total plus de 22 kilomètres de marche. Mais Hagos aime aller à l’église. « Je ne comprenais pas tout, mais j’aimais surtout les images. L’icône de Saint-Georges me plaisait tout particulièrement », se souvient-il aujourd’hui.

Le garçon commence l’école à six ans. Il peut sauter une classe, il apprend si bien ! Mais après avoir terminé l’école primaire, son père dit : « Maintenant, tu as assez étudié. Tu peux désormais lire et écrire comme moi. C’est suffisant ! J’ai besoin de quelqu’un pour garder les chèvres. » Hagos pleure encore et encore. Enfin, il veut devenir prêtre ! Il demande à son oncle de servir d’intermédiaire entre lui et son père. Même le curé de la paroisse intervient. Il peut envoyer deux garçons du village au petit séminaire où les jeunes sont préparés pour leur admission au séminaire, « Le » séminaire. Trois garçons du village ont posé leur candidature. « Que faire, si je n’obtiens pas la place ? », s’interroge Hagos, qui a maintenant presque treize ans, les larmes aux yeux. Finalement, il gagne le gros lot. Hagos est parmi les deux veinards qui ont la chance d’aller au petit séminaire. Au début, il a le mal du pays, mais il se réjouit de pouvoir suivre sa vocation.

Les temps sont difficiles : il y a la guerre civile en Éthiopie. Le régime communiste du dictateur Mengistu Hailé Mariam force les élèves et les étudiants à faire leur service militaire. Les séminaristes sont eux aussi menacés par ce destin. Pendant les vacances, il leur est difficile de rentrer à la maison, parce qu’il faut des autorisations spéciales pour se rendre d’un endroit à un autre.

En 1985, Hagos Hayish rentre au séminaire après avoir obtenu son baccalauréat. C’est l’époque de la famine dévastatrice dont les images terrifiantes circulent dans le monde entier. La conscription menace encore une fois le séminariste – cette fois-ci, à cause de la guerre contre l’Érythrée. Les jeunes hommes doivent se cacher.

© AED/ACN

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Lorsque Mère Teresa visite l’Éthiopie pour se faire une idée de la famine, elle rend également visite aux futurs prêtres. Hagos est le plus jeune d’entre eux, de même que le plus petit par la taille. C’est pourquoi il est au premier rang pour saluer la célèbre « ange des pauvres ». « Veux-tu devenir prêtre ? », lui demande Mère Teresa. Sa réponse est « oui ! ». « Veux-tu devenir un bon prêtre ? Si oui, alors continue ! Sinon, alors quitte le séminaire aujourd’hui même ! » Mais pour Hagos, c’est clair : « Je veux être un bon prêtre. »

Les temps deviennent de plus en plus difficiles. « J’ai vu beaucoup de gens mourir », se souvient-il. A cette époque, le gouvernement décida de déplacer de force des centaines de milliers de personnes. Beaucoup périrent. Le père de Hagos devait être déplacé, mais il a été sauvé à la dernière minute.

Au cours de la deuxième année que Hagos passe au séminaire, il est convoqué à une visite médicale. Maintenant, le service militaire le menace vraiment. Après la visite médicale, il doit aller chercher son certificat de santé. Mais l’homme chargé de lui remettre le document ne trouve pas son nom sur la liste. Quelqu’un avait écrit « Hagosa » au lieu de « Hagos ». Il s’agit de la forme féminine de son prénom. « Les femmes ne vont pas à l’armée. Sacré veinard, tu n’es pas sur la liste ! Va-t’en d’ici ! » lui dit l’homme. Encore aujourd’hui, Hagos Hayish déclare avec émerveillement : « Dieu a guidé la main d’un homme pour qu’il se trompe en écrivant mon nom ». En le voyant revenir au séminaire, le recteur le serre dans ses bras.

Il rejoignit l’ordre des Vincentiens et fut ordonné prêtre le 11 novembre 1990. Mais en 1998, la guerre éclata entre l’Éthiopie et son voisin l’Érythrée, qui avait déclaré son indépendance de l’Éthiopie en 1993. En fait, Abba (ce qui veut dire « Père ») Hagos devait écrire sa thèse, mais pour lui, la décision était claire : en 1999, il se déclara volontaire pour travailler dans le nord du pays, car c’est là que les gens souffraient le plus de la guerre. Même sa famille avait été déplacée. Son père avait été enlevé par le gouvernement érythréen. Il n’y avait pas la moindre trace de lui. Dans ces circonstances, Abba Hagos n’avait pas envie de retourner à l’Université. Il reprit la paroisse de Nkala. Il passait une semaine en paroisse et l’autre dans les montagnes, où beaucoup de réfugiés et de personnes déplacées avaient trouvé refuge. « Il y avait des coups de feu tous les jours, la mort était constamment présente. J’entendais tout le temps les gens en confession, parce qu’ils ne savaient pas s’ils vivraient ou non encore un jour de plus. Tout le monde se préparait à mourir. »

Un jour, l’archevêque d’Addis Abeba lui-même est venu réconforter les réfugiés. Il a promis au peuple : « Vous rentrerez dans vos paroisses ! » Abba Hagos s’en souvient exactement : « Les gens étaient heureux, mais certains demandaient : Où est la Vierge ? Nous n’entendons plus la cloche de l’église Sainte Marie. Que se passe-t-il ? et les enfants chantaient : où est la Sainte Vierge, où est la Sainte Vierge ? Mgr. Berhaneyesus Demerew Souraphiel leur répondit : Notre Dame est ici avec vous ! »

Un mois après la visite de l’archevêque, les réfugiés ont pu rentrer dans leurs villages détruits. « Tout était cassé, les maisons détruites, les arbres coupés, il y avait des mines partout. 70 000 personnes étaient mortes », raconte Abba Hagos. Cependant, sa famille avait à nouveau été protégée, vu que son frère était revenu sain et sauf de la guerre et que son père avait été libéré après deux ans de prison.

Aujourd’hui, le Père Hagos peut faire le bilan de près d’un quart de siècle de ministère sacerdotal. « La vocation est un don de Dieu, mais je l’ai reçue par le biais de ma famille » dit-il tout ému.

L’Église catholique compte environ 700 000 fidèles en Éthiopie. Les catholiques représentent à peine un pourcent de la population. Malgré ce faible nombre, l’Église est très active. C’est ainsi qu’elle gère 203 écoles maternelles et 222 écoles qui sont ouvertes aux enfants et adolescents de toutes les confessions et religions. Elles sont fréquentées par presque 180 000 enfants. Au moyen de ces écoles, l’Église voudrait établir un pont entre les peuples et les cultures. Quatre universités rassemblant plus de 7.000 étudiants sont également entre les mains de l’Église catholique. L’année dernière, l’Œuvre internationale catholique de bienfaisance « Aide à l’Église en Détresse » a soutenu l’Église catholique en Éthiopie à hauteur de plus de $1.71 CAN.

 

© AED/ACN

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