Terre Sainte – « J’ai du mal à croire que je suis vraiment à Nazareth »

Célébrations conclusives de « L’Année de la foi » en Terre Sainte

Oliver Maksan, AED International

Adaptation Robert Lalonde, AED Canada

ACN-20131119-02718

©AED/ACN

Dimanche matin, un ciel bleu azur se déployait au-dessus d’une foule de plusieurs milliers de  personnes qui s’étaient rassemblées à Nazareth pour clôturer l’Année de la foi. En cette mi-novembre, il régnait une température de 25 degrés grâce au chaud soleil du Levant. Les visiteurs tentaient de se protéger des rayons ardents au moyen de parasols et de chapeaux. Ici, au Mont du Précipice, sur les flancs de la montagne où, selon les paroles des Évangiles, les habitants de Nazareth voulaient précipiter Jésus dans le vide, Sa Sainteté le Pape émérite Benoît XVI avait déjà célébré une messe en 2009. L’année de la foi, célébrée dans l’église catholique universelle avait été prise à son initiative. L’Église l’avait amorcée en Terre Sainte dans le sanctuaire de pèlerinage marial de Deir Rafat et voulait la clôturer à Nazareth, où l’ange Gabriel a annoncé le message à Marie et où le Fils de Dieu a passé la majeure partie de sa vie terrestre.

« J’ai du mal à croire que je suis vraiment ici. C’est très important pour moi puisqu’il n’est pas facile pour nous autres de venir en Israël. » Comme Sami, âgé de 54 ans et venu de Jénine en Cisjordanie, de nombreux fidèles s’étaient rendus en Israël depuis les Territoires palestiniens et la Jordanie. Toutefois, l’autorisation d’entrer en Israël n’a pas été accordée à tous ceux qui le souhaitaient.

Mgr Giacinto Boulos Marcuzzo, évêque auxiliaire résidant à Nazareth et vicaire responsable d’Israël dans le patriarcat latin de Jérusalem, a déploré cet état de fait dans un entretien accordé à l’œuvre internationale de bienfaisance catholique Aide à l’Église en Détresse (AED) : « Les autorités israéliennes nous avaient promis d’être généreuses dans l’octroi des visas. Nous ne pouvons pas toujours comprendre les raisons d’un refus. Toutefois, je suis heureux que tant de fidèles soient parvenus à venir ici. Nous avons même des pèlerins venus d’Iraq. Certes, ils vivent depuis des années comme réfugiés en Jordanie, et pourtant, ils sont venus ici en tant que témoins de cette région de la Mésopotamie où notre père Abraham a entamé son voyage de la foi. Pour moi, c’est un beau signe pour la fin de l’Année de la foi. »

« Nous sommes tous des catholiques »

ACN-20131119-02711

©AED/ACN

Plus tard, la police israélienne a compté plus de 7 000 fidèles. La plupart d’entre eux étaient originaires d’Israël et des pays limitrophes. Environ un millier d’entre eux étaient venus de pays étrangers très éloignés : Japon, Italie, Brésil, Pologne ou Nigeria. « C’est en toute conscience que nous voulions célébrer la fin de cette année importante avec l’Église locale de Terre Sainte », a expliqué un prêtre qui accompagnait un groupe.

Il était frappant de voir le nombre des fidèles venus des Philippines. La plupart d’entre eux étaient des travailleurs immigrés en Israël, où ils assurent les soins des personnes âgées et malades. Ils étaient venus avec leurs prêtres. Après le cataclysme causé par le typhon qui a coûté la vie à des milliers de personnes, leur pays est en point de mire de l’attention mondiale. « C’est touchant de voir combien de sympathie nous est prodiguée de tous côtés. Cela fait du bien d’être unis dans la communauté de la foi. Finalement, nous sommes tous des catholiques, quel que soit notre pays d’origine. C’est pourquoi je voulais absolument me rendre à cette Sainte messe », affirme Maria, qui vit à Tel Aviv.

ACN-20131119-02696

©AED/ACN

Cette messe a été concélébrée par des douzaines de prêtres, abbés et évêques, conjointement avec  le patriarche latin de Jérusalem, Mgr Fouad Twal. Il n’y avait pas seulement des ecclésiastiques de rite romain, mais aussi des melkites, des maronites et des syriaques catholiques : le Proche-Orient dans toute sa richesse spirituelle catholique.

En honneur de cette journée, Sa Sainteté le Pape François avait adressé exprès un message aux fidèles rassemblés. L’archevêque Mgr Giuseppe Lanzarotto, nonce apostolique en Israël, a lu la missive au début de la messe. « L’histoire de notre foi », affirme le Pape, «  prend sa source là où vous la célébrez maintenant. Avant que nous puissions comprendre notre propre histoire personnelle de la foi et notre besoin de la pitié de Dieu, nous devons tous nous tourner vers le lieu et l’époque où Jésus était parmi nous. Car c’est ici que le Seigneur Jésus-Christ a revêtu notre nature humaine et nous a révélé Dieu. »

Le Pape François a également exprimé son estime des Chrétiens en Terre Sainte, leur service fidèle aux Lieux Saints et leurs témoignages fermes de l’Évangile. Les fidèles n’ont pas seulement été reliés au Pape à travers ses paroles. Durant toute la célébration, une icône représentant Jésus et Saint-Pierre était placée dans la chapelle majeure. Elle sera remise à Rome au Saint Père ce dimanche pour conclure l’Année de la foi.

« Nous constatons partout dans le monde cette tendance au renouvellement de la foi »

Année foi ReginaInterview réalisée par Maria Lozano avec Regina Lynch, Directrice des projets pour l’Aide à l’Église en Détresse International

Nous célébrons en 2013 « L’Année de la Foi ». Selon vous, pourquoi cette célébration est-elle aussi importante ?

Parmi nous autres catholiques, beaucoup estiment souvent que notre foi va de soi ou ne l’entretiennent que très modérément, par exemple en ne se rendant qu’à la messe dominicale. Voilà pourquoi il nous faut de temps à autre comme un coup de clairon qui nous ramène aux fondements de la foi. La catéchèse est l’une des clés pour nourrir et renforcer notre foi. C’est d’autant plus important que la société se sécularise de plus en plus, et cela même dans de nombreux pays de mission. Pour nous, il se présente cette opportunité de renouveler et d’approfondir notre foi, mais elle nous permet aussi de témoigner de notre foi et de partager avec d’autres la joie qu’elle nous donne.

Comment l’Aide à l’Église en détresse perçoit-elle cette année ? De quelle manière particulière suivez-vous l’appel du Saint Père ?

Nous avons toujours concentré particulièrement notre attention sur des projets propices à approfondir la foi, par exemple le catéchisme, des retraites spirituelles, la fourniture de matériaux tels que la Bible et les catéchismes, mais en cette Année de la foi, nous nous sommes encore plus efforcés de satisfaire à ces demandes. Sur la base de l’échange avec nos partenaires de projet, nous les avons encouragés à développer encore plus d’initiatives de ce genre. En tant qu’œuvre de bienfaisance, nous conclurons en outre cette Année de la foi  par un pèlerinage à Rome, entrepris avec des collaborateurs et des bienfaiteurs.

Y a-t-il et y aura-t-il des projets spécialement axés sur cette Année de la foi ? 

 Nous avons reçu beaucoup de projets destinés à des laïcs et particulièrement consacrés aux documents du Concile Vatican II (Inde, Ukraine). Il y aussi eu des demandes de programmes pour le renouvellement de l’Église et pour des retraites spirituelles destinées à des prêtres en cette Année de la foi (Inde et Congo). Des diocèses et des conférences épiscopales entières nous ont demandé plus de bibles et de catéchismes – soit notre propre bible Je crois ou le catéchisme pour la jeunesse YOUCAT –dans le cadre de programmes de catéchisme (Bolivie, Cuba). Et juste maintenant, début juillet, nous parrainons une cinquantaine de séminaristes du monde entier qui participent à un pèlerinage de quatre jours, dont le but est le tombeau de Saint-Pierre à Rome. Ce pèlerinage est organisé par le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation pour tous ceux qui ont pris le chemin de la vocation. Ainsi, les séminaristes peuvent non seulement faire l’expérience de l’universalité de l’Église – surtout ceux qui sont originaires de pays où les chrétiens sont persécutés à cause de leur croyance –, mais ils peuvent aussi montrer au monde que même en période de grande détresse, on peut vivre une telle vocation.

Anné foi 1Dans votre travail dans 140 pays du monde entier, vous avez une perception universelle de l’Église : avez-vous remarqué des changements cette année et, dans l’affirmative, lesquels ?

Nous constatons partout dans le monde cette tendance au renouvellement de la foi. En novembre 2012, j’ai eu la chance de me rendre au diocèse de Kindu, en République démocratique du Congo. Ce diocèse a subi une guerre après l’autre et n’est que très difficile d’accès à cause du médiocre état des routes, pour autant qu’il y en ait. J’ai pu y voir comment, avant même le début de l’Année de la foi, tout un programme avait été élaboré et était en phase de réalisation. Chacun qui a eu un jour l’occasion de participer à une messe dominicale en Afrique sait à quel point les fidèles expriment leur joie de croire à travers des chants liturgiques et des danses. Et aussi dans le diocèse de Kindu, il tient beaucoup à cœur à l’évêque Mgr Willy Ngumbi Ngengele de proclamer le Credo chaque dimanche afin que chacun se rappelle les principes fondamentaux de notre croyance.

C’est avec grande joie que nous avons aussi observé la réaction de l’Église face à l’adoration eucharistique planétaire du 2 juin 2013. Nous avions demandé à plusieurs diocèses des différents continents de nos envoyer des photos de l’Adoration et des processions dans leurs paroisses, et nous avons alors reçu une incroyable quantité de photos de fidèles priant en face du Saint-Sacrement – des jeunes et des vieux, dans des églises toutes simples ou dans de belles cathédrales. Pour nous, ces témoignages constituaient aussi une source nous permettant d’affermir notre propre foi.

Existe-t-il un projet en rapport avec l’Année de la foi qui vous a particulièrement touchée ou impressionnée?Année foi 2

J’ai vu dans le monde entier une grande quantité de projets impressionnants, mais je pense que les initiatives les plus touchantes sont pour moi celles entreprises dans des pays où les catholiques doivent vraiment souffrir pour leur foi, ou bien ceux où l’Église doit entreprendre des efforts particuliers pour avoir accès à l’Église universelle. La conférence épiscopale catholique d’Orissa, en Inde, représente par exemple une Église dans une région où les chrétiens sont exposés à une très grande violence, qui s’est déclarée notamment en août 2008. Les évêques ont élaboré un programme pour l’Année de la foi, dont l’objectif est d’affermir la foi de leurs collaborateurs et des laïcs face à la persécution. De nombreux diocèses en Chine qui, du temps du Concile Vatican II, n’avaient que peu de contact avec l’Église universelle, accordent à présent beaucoup d’importance à la formation de leurs laïcs et ont montré une grande activité en cette Année de la foi. Dans un diocèse, nous avons contribué de manière ciblée aux études de prêtres et de fidèles relatives aux thèmes concernant le Concile Vatican II.

Nous avons reçu du Soudan le commentaire d’un prêtre vivant dans une région marquée par la violence envers les chrétiens et par leur expulsion. Il écrit qu’ils se sont mis en route ensemble, avec leurs évêques, « pour entreprendre un voyage de prière et de réflexion et pour exprimer les attentes des fidèles envers cette Année de la foi et la manière dont nous pouvons mettre en œuvre toutes ces activités pour les transposer en possibilité de renouvellement. Nous considérons qu’il est providentiel de pouvoir célébrer cette année dans notre situation actuelle. D’autres partent, mais nous sommes toujours ici : il doit y avoir un sens derrière cela. »

L’idée directrice de votre œuvre de bienfaisance est d’aider l’Église dans sa détresse pastorale. Diriez-vous que pour vous, chaque année est une Année de la foi ?

Si vous partez du principe que l’une des principales priorités de notre fondation consiste dans le soutien de l’Église et de ses missions pastorales dans les domaines d’évangélisation primaire ainsi que dans des régions où la foi est déjà implantée plus longtemps, mais où il existe un besoin de réévangélisation, alors on pourrait effectivement dire que pour nous, chaque année est une Année de la foi.

Depuis les tous débuts de la chrétienté, il y avait ce besoin d’approfondir et de renforcer ce en quoi nous croyons, et ceci se reflète parfaitement dans les projets qui nous parviennent tous les jours de tous les coins du monde. Ce qui aura éventuellement changé, c’est le fait qu’il existe entre-temps une conscience accrue de la nécessité d’affermir notre croyance pour pouvoir faire face aux défis inhérents à la vie en tant que minorité dans une société hostile sur le plan religieux ou politique. Comme Sa Sainteté le Pape émérite Benoît XVI le disait au début de son pontificat et dans sa lettre apostolique « Porta Fidei » en référence à l’Année de la foi : « L’Église dans son ensemble, et les Pasteurs en son sein, doivent, comme le Christ, se mettre en route, pour conduire les hommes hors du désert, vers le lieu de la vie, vers l’amitié avec le Fils de Dieu, vers Celui qui nous donne la vie, la vie en plénitude. » Nous observons avec une grande joie et gratitude que c’est exactement ce qui se passe dans de nombreux diocèses qui s’adressent à nous.